You might crawl in silence |Pv Corey T. White

Tybalt renifla et lança un semblant de regard glacial à Corey-l-impétueux. Tel était le pseudonyme dont il l'avait secrètement affublé, pseudonyme qui ne lui servait au final, à rien. Seulement voilà, le Gryffondor avait toujours trouvé que le jeune homme s'exécutait avec une certaine fougue, peu en importait le sujet, la raison.

-Charmant. Tu es d'une délicatesse à toute épreuve, railla-t-il dans un faux reproche.

Tybalt resta interdit face au ricanement qui secoua brièvement Corey. En cet instant, en cet endroit, il sonnait comme particulièrement malsain. Le Serdaigle était vraiment frappa dingue, cela ne faisait aucun doute pour le sorcier Rouge et Or. Après tout, d'une certaine manière, si Corey parvenait à se faire rire lui-même, alors pourquoi pas? Perdu dans ses pensées, Tybalt tressaillit quand il sentit un poids se poser sur son épaule. Il tourna la tête de ce côté, une certaine appréhension au corps, suite à quoi un sentiment de soulagement s'empara de lui. Il avait crû pendant un instant à une créature infâme pouvant appartenir à la ligne des arachnées, satanées bestioles qu'il abhorrait. Il ne s'agissait cependant que de la main de Corey, ce qui déclencha un petit sourire sur son visage. C'était bien mieux ainsi. S'il avait eu à faire à l'une de ses créatures à huit pattes, il n'aurait pas su agir avec un certain contrôle, se serait défait de son tee-shirt le temps de la faire partir, le balançant à même le sol. Non, c'était vraiment bien mieux ainsi.
Le sorcier se figea. Ce crétin de Corey venait de lui poser une question qu'il considérait comme tout à fait personnelle, une question dont il comptait bien garder la réponse. Outre cette curiosité posée sur le tapis de façon malhabile, le geste du Serdaigle mis Tybalt sur ses gardes. Lui teindre une cigarette était une incitation à parler, comme l'on tendait un mouchoir à une personne meurtrie afin qu'elle se soulage de son fardeau dans un flot de paroles. Soit. Il acceptait ce qu'on lui tendait mais certainement pas le fait de se confier sur ce sujet qui incluait trop de choses bonnes à rester cachées. Corey avait choisie sa question avec précaution, le sorcier en aurait mis sa main au feu. Un idiot aurait très bien pu s'enquérir sur sujet, parce qu'il n'aurait pas pensé au poids pesant que la réponse contenait forcément. Néanmoins, Corey n'avait rien d'un idiot. Le jeune homme tira une des cigarettes qu'on lui tendait et joua avec pendant quelques secondes, la faisant passer entre ses doigts. Geste lié à un stress certain. Il la coinça finalement entre ses lèvres et fit signe au Serdaigle de l'allumer. Il espérait qu'il n'y aurait pas de retour de flamme au moment où il approcherait son briquet, le vent étant, cette nuit là, bien capricieux. Tybalt observa plus précisément Corey. Une sale habitude qui pouvait pourtant se révéler bénéfique. Scruter les gens faisait désormais parti de son quotidien et sa charmante coéquipière à ce jeu n'était autre que Svetlana R. Vasilyevna, une serpentard qu'il appréciait fortement. Finalement, le bon et le mauvais se trouvaient n'importe où. Le jeune homme constata que la nuit allait affreusement bien à Corey, à son visage, à sa façon d'être. Comme si celle-ci était sa propre mère et qu'elle ouvrait ses bras, à chaque fois, faisant comprendre à tous à quel point son fils était beau, et que son sombre manteau ne faisait que renforcer cette impression. En outre, le Serdaigle aurait pu appartenir à une quelconque classe autre que l'humanité, ce qui n'aurait nullement étonné Tybalt. Un sourire malicieux releva le coin de ses lèvres. La cigarette entre l'index et le majeur, il l'éloigna de sa bouche, se délectant de la première bouffée qu'il venait de tirer.

-Allons-y, annonça-t-il à Corey, oubliant par la même occasion, consciemment ou non, la question qui lui avait été posée.

Il savait très bien qu'un silence de sa part à cette interrogation en disait bien plus qu'un mensonge qu'il aurait pu fabriquer de toutes pièces. Toutefois, Tybalt détestait avoir à inventer toutes sortes de fabulations. Corey comprendrait certes qu'il y avait quelque chose. Néanmoins, il n'en connaissait aucunement les détails. La main du Gryffondor tira presque imperceptiblement sur la manche de son partenaire, lui faisant comprendre qu'il fallait avancer. Ils fumeraient en route, que cela dérange ou non le Serdaigle. Ils avaient pour eux toute la nuit, qui n'empêchait pas au temps de filer. Tybalt entra dans la forêt interdite quand un petit rire nerveux le submergea. Il chercha à tâtons sa baguette dans la poche arrière de son jean et prononça le sort apte à l'éclairer.

-Voilà, c'est beaucoup mieux. Ce serait bien si l'on essayait de ne pas prendre le même chemin boueux et marécageux de la dernière fois. Les vêtements que je portais ce jour là sont fichus, grogna-t-il.

Les deux mains prisent, il se contenta d'observer bien mieux les alentours avant de s'y aventurer. La forêt interdite était trop changeante. Il avait l'impression d'entrer à chaque fois dans un nouvel endroit sylvestre. Il se garda cependant d'avouer que les cigarettes gênaient la coordination de leurs mouvements et qu'elle pouvait très bien les empêcher de réagir convenablement au cas où les choses se corseraient. Il aurait très bien pu jeter cet objet auto-destructeur si son caractère avait été tout autre. Plusieurs raisons l'empêchaient de le faire. La première était que, jeter sa cigarette dans cette forêt équivalait pour lui à un geste déplacé. La seconde venait du fait qu'on lui avait offert cette même cigarette et qu'il était ainsi encore plus malpoli selon lui de s'en débarrasser. Il se dépêcha donc de la finir, tirant bouffée sur bouffée. Un gâchis, certes, mais néanmoins consommé. C'était ce qui importait le plus. Il écrasa le mégot contre un rocher et le glissa dans une boîte qu'il conservait constamment sur lui pour ce genre de déchets. Cela paraissait stupide aux yeux de beaucoup, et il s'en moquait complètement. Lui, au moins, faisait des efforts afin de préserver la nature et il ne pourrait se reprocher plus tard d'avoir été un porc ayant amené la faune et la flore à sa déchéance. Passant sa baguette à sa main droite, il avança d'un pas plus assuré, repoussant au passage les branches à hauteur de son visage de son bras libre. Il ne sentit pas son pied glisser, et ses jambes défaillirent sous cette perte immédiate d'équilibre. Il s'agrippa tant bien que mal à la première chose qui se présentait à lui, le pantalon de Corey, et l'entraina dans sa chute.

Ils finirent en bas de la petit pente escarpée qui l'avait déstabilisé. Reprenant ses esprits, Tybalt éclaira l'endroit où ils avaient malencontreusement atterri. Une moue de dégoûte altéra les traits de son visage à la vue des limaces grouillant au sol. Il se releva d'un bond, chassa les nuisible qui s'étaient accrochés à lui et épousseta ses vêtements fraichement crottés. Un long soupir sortit passa ses lèvres. A l'évidence, il aurait du mal à se débarrasser de toute cette bouillasse.

-Il ne manquerait plus que l'on tombe sur un Gytrash, ragea-t-il. Tu n'as rien de cassé?

Il venait de se rappeler que Corey avait été victime de sa maladresse. Il lui attrapa la main et l'aida à se relever, puis retira une limace collée à l'un de ses coudes. Le bruit de succion de l'animal se détachant lui fit tirer la langue. C'était tout simplement répugnant. Tybalt sonda les environs et dût reconnaître qu'ils lui étaient totalement inconnus. Comme à chaque fois.

Tybalt analysa l'endroit d'où ils avaient chuté. Ce n'était pas si haut, ce qui n'avait aucunement empêché le fait qu'elle fut rude. Le Gryffondor massa son épaule droite désormais meurtrie. Certes il n'avait rien de cassé mais il était certain de s'en tirer avec plusieurs hématomes bien douloureux. Il se retourna vers Corey et secoua la tête pour toute réponse à sa question. Il allait bien, ou du moins, il n'était pas réellement blessé. Et il se serait très bien porté si le Serdaigle n'avait pas à nouveau parlé des Sombrals. Bien que ses paroles furent à prendre avec un certain recul, elles firent tiquer le Rouge et Or. Ne le laisserait-il donc jamais en paix avec cela? Fallait-il qu'il obtienne à tout prix une réponse? Tybalt agita rapidement une main devant son visage, chassant l'épaisse fumée. Corey riait. Corey riait de sa plaisanterie sur Ste Mangouste. Il avait bien entendu le droit de s'en amuser et de ne pas s'en formaliser. Pour Tybalt, c'était plus difficile. Aussi, pas l'ombre de ce qui ressemblait à un sourire ne vint illuminer ses traits, réveiller son visage dur et froid en cet instant. Son partenaire ne savait pas peser ses mots, et si le Gryffondor préférait la sincérité, la vraie, celle où prendre des gants pour s'adresser à l'autre n'était pas utile, il se surprit soudainement à penser que faire dans la dentelle avait du bon, parfois. Il ne pouvait pourtant pas en vouloir au Serdaigle. Parce qu'il ne savait pas, tout simplement. Il se fit violence, prit sur lui, mais ne put s'empêcher de parler d'un ton monocorde, frôlant méchamment l'amer.

-J'aurai tellement préféré te répondre que non, je ne peux pas les voir.

Était-ce assez clair pour Corey? Cela lui suffirait-il? Le sorcier ne voulait pas faire dans les confessions. Corey n'avait rien d'un saint.
Tybalt frémit soudainement, refermant sa bouche alors qu'il s'apprêtait à rajouter quelque chose. Interdit, la mâchoire crispée, il laissa faire Corey et le vit retirer une limace. Comment n'avait-il pas pu la sentir? Penser qu'elle se promenait vers son cou le dégoûtait profondément. La proximité soudaine de leur deux corps l'avait pris par surprise, le mettant sur ses gardes, presque mal à l'aise. Il cligna plusieurs fois des yeux alors qu'il sentait le souffle chaud de son camarade lui chatouiller la peau. Son sang battait à ses tempes. Un léger frisson lui parcourut l'échine lorsqu'il sentit les lèvres du Serdaigle effleurer son oreiller, lui délivrant quelques mots chuchotés. Corey jouait-il? Corey se jouait-il de Tybalt? Tout en cet instant, gestes comme paroles, tendaient à prouver quelques arrières pensées. Il fallait être stupide pour ne pas s'en apercevoir. Le Gryffondor s'éclaircit la voix alors que son coéquipier s'écarta.

-Alors tu aimerais les approcher. Je ne sais pas, Corey. Ils sont effrayants tu sais. Et puis, ils réveillent...

Il marqua un temps de pose et déglutit difficilement. Il était toujours douloureux d'évoquer ce passage de sa vie, même s'il n'y faisait que des allusions qui ne pourraient, en tous les cas, aucunement dévoiler ne serait-ce qu'un détail de ce qu'il s'était passé et de ce dont il s'agissait précisément. Cette période, ce moment douloureux, il avait voulu l'effacer. Puis ils 'était rendu compte qu'il s'agissait d'une pensée égoïste et qu'il ne fallait surtout pas que son souvenir tombe dans les méandres de sa mémoire. C'eût été un affront à sa mémoire. Oublier était certainement ce qu'il ne fallait pas faire. Se rappeler était la meilleure façon de lui rendre hommage, et ce malgré la souffrance que cela engendrait. Il savait, après tout, qu'il n'aurait pas souhaité être oublié s'il avait été à sa place. Il avait déjà mauvaise conscience de demander à ses parents de n'en parler ni d'en faire allusion aux personnes qu'il connaissait. C'était comme s'il leur demandait de passer sous silence cette période de sa vie, ses moments qu'ils avaient passé ensemble, faire comme si son existence n'avait finalement jamais été réelle. Encore quelque chose d'égoïste, et il le savait. Il ne pouvait tout simplement pas s'empêcher de réagir ainsi. Le temps n'effaçait en rien la peine, l'affliction qu'il éprouvait. Ceux qui disaient le contraire étaient des menteurs.

-... Ils réveillent d'anciennes douleurs, voilà tout, reprit-il, sortant de sa torpeur.

Il remarqua alors en cet instant même la coupure qui traversait la joue de son camarade. Il sortit un mouchoir de sa sacoche et la passa sur la blessure de Corey afin d'essuyer le sang qui s'en échappait, puis exerça une pression. La plaie n'avait rien de grave, mais était assez profonde pour laisser perler le liquide cramoisi. Il fronça les sourcils, plissant les yeux afin de faire pleinement attention à ce qu'il faisait. Lorsque Tybalt s'adonnait à quelque chose, ce n'était jamais à moitié. Bien qu'elle fut superficielle, guérir cette blessure devenait au final une sorte de priorité. Il retira le mouchoir, tapota plusieurs fois sur la joue de Corey et lui en tendit un propre tout en lui adressant un petit sourire amical. Il rangea le papier usagé et avança, sentant que l'on tirait sur sa manche, s'enfonçant un peu plus profondément dans la forêt interdite. Il savait ce que cela engageait, ce qui ne lui plaisait pas forcément, loin de là. Il aurait aimé que le Serdaigle lui laisse au moins le temps de sortir de son sac un stylo et un bloc notes -au diable plumes et parchemins- afin de noter la direction qu'ils prenaient. Et plus ils s'aventuraient parmi les arbres, plus la végétation se faisait dense. Tybalt savait qu'ils déboucheraient forcément à un moment donné sur une clairière, ce qui ne le rassurait pas forcément. La forêt interdite regorgeait de percées, de culs de sacs et autres voies sans issues. Le Gryffondor s'arrêta brusquement et chercha a capter le regard de Corey. Il fallait qu'ils notent les chemins qu'ils empruntaient, le fait de se dire que les feuilles mortes craquaient plus à leur passage en cet endroit qu'en un autre ne suffisait pas.

-Arrête toi. Tu sais qu'on est même pas au courant de la direction que l'on prend? Je n'ai pas envie de moisir dans cette forêt pendant je ne sais combien de temps avant de...

Tybalt s'interrompit brusquement, un bruissement ayant capté son ouïe. Il posa un doigt sur ses lèvres, faisant comprendre à son ami l'importance de laisser désormais la place au silence. Plusieurs possibilités s'offraient à eux. Il se pouvait que le bruit émanait d'un animal innoffensif, ce qui leur donnait une raison de se taire, mais surtout de trouver l'endroit où il s'était à présent tapis. Il ne fallait pas non plus écarter le fait que ce même animal était peut-être classifié de dangereux pour l'Homme, suite à quoi ils avaient encore plus grandement intérêt à laisser le silence s'installer mais aussi à se trouver un abris, voire à se tenir prêts à riposter si nécessaire. Pour finir, Tybalt n'excluait pas le fait que son imagination avait pu lui jouer des tours. Il essaya de distinguer un regard confirmatif de la part de Corey, sans succès. Seuls les roulements de tambour qu'effectuait son cœur dans sa poitrine rompaient le silence. Aucun son extérieur à son corps ne s'élevait. Pas un seul chuintement, ni même le plus petit craquement. Dépité, Tybalt abaissa lentement cette main tenue en l'air à proximité de son visage, l'index levé.

-Très bien, suis-je le seul à l'avoir entendu?

Tout de même peu rassuré, il s'approcha instinctivement de Corey. Le Gryffondor n'avait rien d'un lâche, seulement sentir quelqu'un à ses côtés avait ce don de vous réconforter. Sa main agrippa le poignet du Serdaigle. Il s'agissait d'une précaution. Les muscles tendus, il était prêt à fuir s'il le fallait, et trainerait Corey derrière lui. Il examina les environs et repéra un arbre tout à fait apte à les accueillir. Alors doucement, il recula jusqu'à ce même arbre, son regard ne cessant de dériver d'un point à l'autre de la forêt. Sa main se resserra un peu plus sur Corey, ses doigts moites ayant tendance a glisser sur la peau du jeune homme, et le tira fermement à lui. Il ne s'arrêta qu'une fois arrivé au tronc de l'arbre et retint de nouveau sa respiration. Sa main ne desserrait pas son étau sur con camarade, et ses yeux continuaient à fouiller les environs à la rechercher d'une ombre car il en était certain, à présent. Ils n'étaient pas seuls. Il ne remarqua pas cette étrange substance qui coulait au dessus d'eux pour finir sa course sur son épaule. Une sorte de liquide mousseux et translucide. De la bave.

Corey était très... tactile. C'est ce que nota Tybalt pour la énième fois. Il se demandait s'il s'agissait d'une habitude du Serdaigle que d'être si proche de ses camarades, et à fortiori de ses amis. Le Rouge et Or fronça les sourcils quand son partenaire posa une main sur sa nuque. Le bras qui avait entouré ses épaules ne l'avait nullement dérangé. Il pouvait très bien s'agir d'un geste amical. En revanche, il était certain qu'aucun de ses amis n'avait déjà passé l'une de leurs mains près de son cou. Endroit où gestes tendres et intimes se devaient d'échouer. Alors à quoi Corey jouait-il? Il comprit qu'il se moquait de lui quand il retira cette main en une action lente, un masque de dégoût sur ses lèvres. C'était tout à fait explicable. Il avait certainement crû que Tybalt réagirait positivement à l'approche qu'il avait tentée, et s'était réjouit d'avance de la chute de sa mauvaise blague. Le Gryffondore n'eut cependant pas le temps de pousser son raisonnement un peu plus loin, Corey l'envoyant presque valser à quelques mètres de là, lui arrachant au passage un hoquet de douleur.

-Mais t'es complètement azimuté! S'emporta Tybalt

La vitesse du son étant si rapide, ses paroles traversèrent l'orée de ses lèvres avant qu'il ne comprenne que trop tard la réaction de son ami. Ce dernier, sa baguette déjà en main, semblait se défendre contre une quelconque créature. Le sorcier la devina lorsqu'elle changea de branche, évitant ainsi le sort dont elle était la cible. Ne sachant trop quelle sorte de bête les avait attaqués, le jeune homme ne broncha pas suite à la réflexion de Corey. En temps normal un petit rire l'aurait brièvement secoué. En cet instant, il ne faisait qu'observer le duel, les yeux écarquillés par la curiosité. La deuxième attaque du Bleu et Bronze précipita cette fois leur assaillant à terre dans une chute sourde. D'abord interdit, Tybalt suivit son camarade, restant toutefois sur ses gardes. Les traits de son visage prirent un nouvel aspect, marqués par la surprise. L'animal paraissait inoffensif, et bien qu'il savait qu'il ne fallait jamais se fier à la couverture d'un livre, se rappelant par cette même occasion quelque histoire qu'il avait entendue sur les chaporouges, il ne put s'empêcher de penser que le Serdaigle y était peut-être allé un peu fort. Il se pencha un peu plus vers la bête quand Corey lui demanda, entre deux rires, s'il savait de quoi il s'agissait. Tout en l'animal ressemblait à un primate. La fourrure, la bouche et le nez écrasés, tels ceux des singes. Repassant en vue toutes les créatures qu'il connaissait, il n'en trouva pas un seul doté de ce physique et vivant dans cette région. Il secoua la tête.

-Je n'en ai absolument aucune idée, Corey.

Il s'apprêtait à exposer une requête au jeune homme quand celui-ci l'enlaça et déposa furtivement ses lèvres contre sa nuque avant de s'en écarter. Décidément, le sorcier était imprévisible. Voilà au moins trois fois qu'il surprenait Tybalt. Le Gryffondor était assez agacé que quelqu'un puisse à ce point l'étonner, et ce à plusieurs reprises, mais garda cette pensée pour lui. A la place de cela, il encra son regard dans celui du Serdaigle, impassible, puis releva un des coins de sa bouche en un semblant de demi-sourire qui s'effaça aussi promptement qu'il était apparu. Il ne savait pas réellement comment réagir face à son ami. Tybalt n'était pas du genre animal en rut prêt à sauter sur tout ce qui bougeait, désir ou non. Il devait aussi s'avouer que Corey avait ce charme qui attirait, ce qui ne voulait pas dire qu'il songeait se faire plaisir en prenant son pied avec lui. Il s'agissait pour le jeune homme d'une question de respect à double sens. Respect pour la personne désirée, respect pour lui. Il valait mieux ignorer ce geste délicat dont il avait été l'objet. Ignorer, comme souvent, et recentrer ses idées, leurs idées, sur autre chose. En un mot, fuir. Tybalt la connaissait très bien, la fuite. Elle avait été sa meilleure alliée lorsqu'il s'était trouvé dans l'embarras. Il était certes habitué à faire face à la plupart de ses problèmes, mais jamais quand il était question de cœur ou de tout autre sentiment s'y rapprochant plus ou moins. Toute vague de sentiment était plus difficile à combattre car abstraite, et l'abstraction n'allait pas à Tybalt. Il n'avait aucune difficulté à prendre le taureau par les cornes si celui-ci était bel et bien concret. Plus aisé, plus rapide. En revanche, la tourmente était bien plus absente de ce genre de choses. Il erra un moment entre les portes de son imaginaire, sachant très bien quelle était la plus angoissante, la plus torturante de toutes les choses en ce monde. Elle était étonnamment bien concrète et réelle, mais lui posait aussi des difficultés abstraites. Elle était humaine. Elle s'appelait Sahän A. White. Elle était terrible et impitoyable. Infernale. Le Gryffondor pensa alors à la longue chevelure d'or qu'il affectionnait tant et Milena Magus parvint à chasser l'image du Serpentard, le ramenant à la réalité. Totalement coupé du monde durant l'espace de quelques minutes, il sentit de nouveau le vent s'engouffrer dans ses vêtements et réprima avec peine un frisson. Il posa ses mains sur ses épaules, afin de se frictionner un instant alors que ses yeux curieux se dirigèrent vers Corey. Avait-il remarqué son absence?

-Le... la bête. Tu devrais lui lancer le sort inverse, je ne crois pas qu'elle puisse nous faire de mal.

Puis, voyant que le Bleu et Bronze n'avait pas l'air de vouloir prendre une décision, il se contenta de lancer lui-même un enervatum, rendant à l'animal ses couleurs vivifiantes. Ce dernier, effrayé de se trouver ainsi en la présence de deux humains, s'enfuit dans les méandres de la forêt. Le sorcier le suivit du regard avant de se retourner vers son camarade. Corey paraissait agacé, du moins aux yeux de Tybalt.

-Un point pour nous, certes... Mais pas réellement équitable. Remettons les compteurs à zéro. Oh... et puis... merci.

Il adressa une petit grimace à la limite du sourire à Corey, puis le tira par la main. Il fallait continuer leur chemin, et le jeune homme regarda d'ailleurs sa montre. Elle indiquait les trois heures et demi, ce qui impliquait qu'ils avaient tout intérêt à se dépêcher. Tybalt chassa quelques moustiques alors qu'ils approchaient de marécages, endroit qu'il ne portait pas réellement dans son cœur. Les créatures vivant dans ces eaux grouillantes ne l'intéressaient guère. Il souhaitait, en cette nuit, voir un animal en particulier. Il s'arrêta soudainement et fit volte face, frôlant les lèvres de Corey des siennes au passage, ce qui déclencha chez lui un rapide mouvement de recul. Gêné, il réussit tout de même à lui parler de ce qui avait occupé ses pensées quelques secondes plus tôt, murmurant, comme s'il avait peur qu'on ne les entende.

-Dis-moi Corey, que désirerais-tu voir ce soir? Je veux dire, à part les Sombrals?

Il s'arrêta un instant, la poche de son sac vibrant. Intrigué, il l'ouvrit, sachant très bien qu'il avait laissé son téléphone portable dans son dortoir. L'appareil ne lui servait à rien en ces lieux. Une boule de poils lui sauta alors au visage, lui extirpant un grognement. Le petit Gipsy avait dû avoir bien chaud dans ce sac, ce que Tybalt considérait comme une bonne leçon. Personne ne l'avait convié. Il prit tout de même avec tendresse la petite peluche entre ses mains et la déposa dans le creux de son cou, où elle s'accrocha à l'aide de ses griffes, extorquant une grimace de douleur à son propriétaire. Demain il aurait des plaies, mais cela irait. Ce n'était qu'une question d'habitude.

-Oh, Corey, voici Gipsy, lui annonça-t-il en présentant le petit animal à son ami, alors qu'il s'assoupissait déjà. Il est très... casse-pieds, je ne veux pas qu'il vienne dans la forêt, c'est trop dangereux... Alors, que veux-tu voir par dessus tout ce soir? Tu sais, je désirerai tant approcher une licorne.

Voilà, il avait fait part à Corey de son envie du moment, il n'attendait plus que la sienne. Ils pourraient ainsi improviser et peut-être trouver les créatures qu'ils convoitaient.

Un rire frais s'éleva parmi les branches des arbres. Un sourire en coin aux lèvres, Tybalt était amusé par le changement de comportement soudain de Corey face au Boursouf. Cela changeait tellement du Serdaigle insondable et mystérieux qu'il connaissait. Il lui apparaissait à présent comme descriptible. Précisément, il était descriptible: Un enfant émerveillé par le petite peluche vivante devant laquelle il se trouvait.. Attendrissant. Le mot clef de la scène. Il laissa le doigt de son ami approcher l'animal qui releva le cou afin de profiter des flatteries qu'on lui proposait, ne souhaitant pas mettre un terme à cet instant qu'il trouvait différent, si différent. Le Gryffondor plongea ses prunelles dans celles de son interlocuteur. Il était tellement d'accord avec les propos de son ami qu'il hocha perceptiblement la tête. Il avait en revanche une question à lui poser, ne connaissant pas lui-même la réponse. Ce dernier pourrait peut-être ainsi l'aider dans sa requête.

-Je suis d'accord avec toi. Tu crois que c'est pour cela que seule une jeune vierge peut les approcher? Tu crois que ce n'est qu'une légende, qu'en réalité toi et moi nous pourrions en rencontrer? J'aimerai tellement, tellement en voir une, ne serait-ce qu'un instant...

Les licornes avaient comme un pouvoir apaisant sur le jeune homme. Ou du moins l'image qu'il se faisait d'elles, n'en ayant jamais réellement vu une seule de toute sa vie. Il les voyait comme le patronus à son moral et ses sentiments, comme l'entité salvatrice le tirant de ses sombres pensées. Il était subjugué par la beauté des tableaux, des images, des photos que l'on tirait de ces êtres et songeait qu'elles devaient être mortellement splendides, royales. Des êtres supérieurs. Corey avait raison, ils ne seraient pas à la hauteur. Ils les souilleraient de leurs mains. Il finissait d'ailleurs par se demander si cette idée de chercher une licorne était censée. Certainement non. En général, de toutes manières, dès que le Bleu et Bronze se trouvait dans les parages, le mot « censé » disparaissait soudainement, comme s'il n'avait jamais existé. Corey l'insondable. Bien qu'il le connaissait depuis un petit moment déjà, Tybalt avait souvent l'impression de se retrouver en face d'un inconnu. Seule cette sensation d'aise et de confiance restait. Oui, il avait confiance, pour une raison qu'il ne pouvait expliquer lui-même. Peu importait, les faits étaient là, cela lui suffisait. Le jeune sorcier fronça les sourcils. Il s'en voulait. Son ami venait de lui promettre qu'ils verraient une licorne. Et lui, qu'avait-il fait quelques temps auparavant? Il lui avait refusé de rencontrer les Sombrals. Pourquoi s'était-il montré si égoïste? Après tout, le Serdaigle n'en avait très certainement rien à faire. Qu'ils réaniment de sombres souvenirs au plus profond de Tybalt n'était pas son soucis. Alors qu'il bataillait entre deux eaux, se demandant s'il devait revenir sur sa décision pour lui faire plaisir, il se prit une gifle monumentale. Avait-il bien compris? Son cerveau avait-il bien analysé la phrase qui s'était perdue à ses oreilles? Il resta interdit, les yeux braqués sur un tapis de feuilles mortes, le sang tapant à ses tempes, rythme d'un pendule imaginaire. Les secondes s'écoulaient. Et lui restait figé, sans rien faire, ni dire. Il était évident, que Corey avait un faible pour lui, ou qu'il était néanmoins attiré, peu importait l'obscure raison dont il s'agissait. Le jeune homme n'était pas dupe et avait souvent senti les regards qui parcouraient le dos de sa silhouette. Et c'est là qu'il comprit que jamais le Serdaigle n'avait voulu se jouer de lui. Toutes les attentions qu'il avait eu à son encontre étaient on ne pouvait plus sincères. Peu importait quelle en était leur motivation. Le désir mêlé au sentiment, ou le désir mêlé au sexe. Ce qui comptait en cet instant, était que Tybalt savait désormais. Il savait que le Bleu et Bronze le désirait. Et il se trouvait dans une impasse car il ne s'était pas lui-même posé la question, et quand bien même il pouvait se la poser de suite, il n'y trouvait pas de réponse. L'impasse. Il déglutit avec la plus grande des peines et sa salive lui brûla la gorge, comme coupante, lui arrachant un petit cri de douleur. Il aurait pût s'en préoccuper. Pas maintenant. Pas après ce message subliminal. Il se fichait d'avoir mal, froid, chaud, de ressentir ou au contraire de ne plus être alerte à tout ce qui se passait autour de lui. Il avait la connaissance d'une seule chose. Il n'aimait pas Corey, ou du moins d'une manière différente. Il l'aimait comme un ami. Un ami... spécial. La longue langue de Gipsy vint s'attarder sur l'une de ses tempes. Elle était douce, tiède... et elle laissa soudainement place à la langue plus désirable du Serdaigle. Plus chaude, plus excitante... experte. Tybalt secoua la tête, chassant les images qui venaient de s'y installer. Mais n'était-ce pas un signe, après tout? Ces images n'étaient-elles pas le prémisse, le prélude des mots ''désir'' et ''envie''? S'il n'en était pas encore certain, il pouvait admettre qu'elles avaient amené en lui ce dernier: troublé. Gêné, même. Les joues du garçon s'empourprèrent soudainement, malheureusement pour lui. Elles étaient un détecteur, la pancarte immense faisant comprendre à Corey que quelque chose le tiraillait, le mettait mal à l'aise. Et il n'était pas difficile de comprendre qu'il s'agissait d'une pensée. Il ne pouvait compter sur la timidité, n'étant pas du genre à rougir face à un compliment. Il se décida finalement à donner sa réponse au pauvre Serdaigle.

-Je t'ai refusé les Sombrals. Je ne ferai pas de même cette fois. Je ne comprends pas ce que tu entends par mystérieux, mais je tâcherai de ne pas te décevoir et je ferai tout mon possible pour te paraître un peu moins inconnu. Tu veux la chercher, cette licorne?

Il avait perceptiblement rapproché son visage de celui du jeune homme alors qu'il détachait bien une à une chacune de ses paroles, le souffle court, la voix rauque. Ses yeux s'attardèrent un moment dans ceux de son comparse, comme désirant sonder ce qui pouvait se cacher au plus profond d'eux-mêmes, puis se dirigèrent sur chacun des traits de son visage. Instant privilégié. Il gravait chaque trait de Corey en sa mémoire. Une habitude. Il brisa finalement ce moment étrangement intime, s'écartant de lui avec un faible sourire avant de se remettre en chemin. Il s'arrêta bien rapidement, repositionnant prestement Gipsy dans son cou. Le Boursouf lui avait lacéré la chair de ses petites griffes pointues comme des aiguilles. Les yeux fermés, le visage changé en une grimace de douleur, il se mordit la lèvre inférieure, étouffant une plainte de douleur et se concentra sur une seule chose: Ne pas crier. Les entailles étaient plutôt profondes et laissaient de petites rives pourpres souiller son teint albâtre. L'animal ne s'était jamais accroché à ce point auparavant. La forêt interdite le mettait dans tous ses états et son maître en pâtissait. Le Gryffondor maugréa quelque chose ressemblant à un ''espèce de petit con'' entre ses dents, les paupières toujours fermées. Il respira profondément plusieurs fois de suite. La petite boule de poils allait se promener partout, y compris dans les endroits les plus crasseux. Il ne faisait aucun doute que ses griffes fussent sales et infectées. Un craquement sinistre se fit soudainement entendre alentours, mettant le petit Gipsy hors de lui, qui terrifié, sauta au visage de son maître toutes griffes dehors, se raccrochant à tout ce qu'il pouvait trouver, nez, joues, lèvres, paupières, arrachant un cri de souffrance à Tybalt, manquant de lui crever un œil. Un geste du garçon le précipita à terre. Quelque peu sonné, mais pourtant sauf, il sauta à l'intérieur de sa sacoche et se cacha parmi les affaires. Seul le petit animal semblait s'être rendu compte qu'ils n'étaient plus seuls. Le Gryffondor, couvrait désormais les bruits de la forêt de par ses gémissements, n'osant plus ouvrir les yeux, ni retirer les mains de son visage meurtri. La situation avait totalement basculé. Le vent avait tourné, laissant loin derrière eux ce moment de complicité qu'il avait eu avec Corey, le remplaçant par du sang, de la sueur, et un goût amer.